15 Sep

Quels sont les impacts de la crise des économies émergentes sur les économies développées ?

La crise des pays émergents affecte significativement les marchés de capitaux, avec un effet de contagion amplifié au cours de ces derniers jours. La diminution attendue de la croissance mondiale, même si elle ne doit pas être sous-estimée, ne remet pas en cause de manière profonde notre scénario central. Nous attendons une croissance de l'économie mondiale plus faible qu'escompté pour 2015, avec des économies émergentes qui ralentissent et apparaissent de plus en plus vulnérables aux chocs externes et des économies avancées qui progressent mais à des rythmes modérés. Nous ne tablons pas en revanche néanmoins sur le scénario d’un plongeon de la croissance mondiale pour 2016.
 
Une exposition des pays développés à la Chine limitée

La Chine ralentit à un rythme plus marqué que ne le laissent entendre les chiffres officiels. Le recul significatif de la production d'électricité et du fret ferroviaire va dans le sens d’une croissance plus faible que la cible affichée par Pékin. Plus généralement, les économies émergentes semblent être entrées dans un cercle "vicieux", qui met en évidence leur fragilité : la chute du prix des matières premières entraîne une baisse de la croissance et une perte de confiance, des sorties de capitaux qui se traduisent par des pressions à la baisse sur les devises et un durcissement de leur politique monétaire qui vient pénaliser la croissance à nouveau. Notons également que la croissance des pays développés reste bridée par un endettement public qui ne diminue pas.
 
Malgré la multiplication des signes d’inquiétudes, le tableau n’est pas si sombre. L'exposition de la zone euro et des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine est limitée. Le poids de leurs exportations vers la Chine, exprimé en pourcentage du PIB, de la zone euro comme des Etats-Unis reste faible. Par conséquent, un choc sur la croissance chinoise aurait un impact limité sur la croissance du PIB américain et ainsi que sur celui de la zone euro. Bien qu’affaiblie, la Chine dispose toujours de marges de manœuvre et de moyens financiers conséquents  pour soutenir  l’activité économique (le montant des réserves de change s’élève à plus de 3600 milliards de dollars). En outre, la chute du prix de l’énergie devrait constituer un facteur de soutien additionnel à la consommation privée et in fine à la croissance.

La gestion actions : nos convictions à la lumière de la crise actuelle
 
Sur les marchés actions, les récentes publications de résultats du deuxième trimestre ont confirmé le rebond des bénéfices des entreprises. Après la correction de ces dernières semaines, les valorisations redeviennent plus attractives (avec un PER 12 mois inférieure à 14 fois sur le Stoxx 600, au 24 août). Une forte différentiation sectorielle est cependant nécessaire. La prudence est maintenue sur les valeurs liées aux matières premières. L'exposition au secteur automobile est à risque, le marché chinois représentant une part significative des résultats de ce secteur (jusqu'à 40% pour certains constructeurs). A l'inverse, le secteur bancaire reste une conviction forte :  sa valorisation reste raisonnable, c’est un secteur assez peu présent hors d’Europe, il bénéficie d'un fort levier sur les résultats avec une croissance des bénéfices attendue à +26% en Europe en 2015 dans un contexte d'amélioration progressive des volumes de crédit en Europe.
 
Nous maintenons également une forte pondération  sur les secteurs offrant une bonne visibilité des cash flows, des dividendes pérennes et en croissance,  tels que  ceux de la santé, de l'assurance ou des télécoms (ce dernier étant soutenu aussi par la thématique du M&A en Europe).
 
Le crédit, soutenu par de bons fondamentaux
 
Pour sa part, sur les marchés obligataires, le segment du crédit est soumis à un environnement volatile, mais bénéficie de bons fondamentaux : les entreprises sont peu endettées et conservent une trésorerie abondante, la tendance reste à l'amélioration des notes de crédit, le marché primaire est dynamique et le taux de défaut du high yield européen reste bas. La rémunération offerte par les corporates est ainsi la plus intéressante, comparée à celle des titres d’État, avec une prise de risque raisonnable. Dans une perspective de gestion active basée sur une approche fondamentale (bond picking), il est judicieux de chercher à bénéficier de primes de crédit attractives sur la partie moyen terme de la courbe (tout en assurant une couverture systématique du risque de taux et de change).

Enfin les perturbations qui ont affecté les marchés n'ont eu qu'un impact très faible sur la gestion monétaire : précisément, il a été quasiment nul sur le segment 0-1 an et très limité sur le 1-2 ans (avec une hausse de 5 points de base sur les émetteurs core et de 10 points de base sur les périphériques). La politique de la BCE et la recherche permanente de rendement des investisseurs protègent le marché, même s'il faudra savoir rester très sélectif, en privilégiant la qualité de crédit des émetteurs et la liquidité des titres.

Priorité à la gestion du risque dans la gestion à performance absolue
 
Face à la hausse de la volatilité et dans le cadre d’une recherche de performance absolue, une approche flexible, une bonne capacité à réduire les risques doivent être mises en œuvre. Ces modulations de l’exposition sont implémentées en recherchant les instruments de couverture les plus efficaces, par exemple via la vente des contrats à terme sur le DAX (indice boursier allemand) ainsi que du dollar australien, car ces deux économies sont très exposées à la Chine. Si nous maintenons nos convictions à moyen terme, en particulier sur le potentiel de hausse des actions de la zone euro et du Japon, nous restons extrêmement vigilants sur la maîtrise du risque face à une hausse de l’incertitude qui devrait perdurer.
 
Par Michaël Aflalo, directeur des investissements (CIO) de BFT Gestion
 
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