07 Juil

Le marché français de l’investissement à l'épreuve de la crise

Knight Frank France dresse le bilan du 1er semestre 2020 et poursuit son analyse des conséquences de la crise sanitaire sur le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise.

Knight Frank France dresse le bilan du 1er semestre 2020 et poursuit son analyse des conséquences de la crise sanitaire sur le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise.

Le confinement a été levé le 11 mai dernier. Depuis, l’économie française, l’une des plus durement frappées d’Europe en raison de la sévérité des mesures de restriction, s’est remise en marche plus rapidement et plus fortement qu’attendu.

« L’assouplissement des mesures de distanciation sociale et le début de redressement de l’activité économique ne se sont pas encore traduits par un rebond des investissements en immobilier d’entreprise, en forte baisse au 2e trimestre 2020.

4,2 milliards d’euros ont en effet été investis en France lors des trois derniers mois, soit une chute de 38 % par rapport au trimestre précédent et de 48 % par rapport au 2e trimestre 2019 » annonce Matthieu Garreaud, co-directeur du département Investissement de Knight Frank France.

Sur l’ensemble du 1er semestre 2020, les volumes investis en France s’élèvent à 11 milliards d’euros. En baisse de 15 % sur un an, ils sont tout de même supérieurs de 29 % à la moyenne des dix dernières années grâce à un 1er trimestre record et à la finalisation de quelques grandes opérations initiées avant le confinement.

Moins de soutien des grandes transactions

Le creux d’activité du 2e trimestre 2020 s’est traduit par la chute du nombre total de transactions (280, toutes tailles confondues au 1er semestre 2020 contre 380 à la même période l’an passé) et un nombre restreint de grandes opérations. Après les 18 de plus de 100 millions d’euros enregistrées au 1er trimestre, seules 10 ont été finalisées ces trois derniers mois qui représentent au total 2,5 milliards d’euros. En outre, 45 % de ce montant correspondent à l’acquisition par Crédit Agricole Assurances et La Française de 54,2 % des parts d’un portefeuille de cinq centres commerciaux d’Unibail-Rodamco-Westfield (URW).

Peu d’autres transactions d’envergure ont été signées au 2e trimestre. « Le marché de l’investissement a provisoirement perdu son moteur, en particulier en Ile-de-France où seules 9 opérations supérieures à 100 millions d’euros ont été signées au cours des trois derniers mois » explique Antoine Grignon, co-directeur du département Investissement de Knight Frank France.

Les montants investis en région parisienne s’en ressentent, s’élevant à 7,8 milliards d’euros sur l’ensemble du 1er semestre 2020, toutes tailles d’opérations confondues, contre 10,2 milliards au 1er semestre 2019 (- 24 %). En revanche, les volumes augmentent de 18 % en province, gonflés par d’importantes cessions de plateformes logistiques au 1er trimestre et par la vente des parts de centres d’URW au 2e trimestre.

Néanmoins, l’activité y a fortement ralenti sur le segment des bureaux.

 

Le fléchissement des bureaux concerne l’ensemble du pays puisque 7,3 milliards d’euros (dont seulement 2,6 milliards au 2e trimestre) ont été investis sur ce segment de marché au 1er semestre 2020 en France. Le recul est de 27 % sur un an. En cause, le faible nombre de grandes transactions, de même que la baisse d’activité en Ile-de-France. Après un très bon début d’année, la chute est particulièrement marquée dans Paris intra-muros, où un milliard d’euros ont été investis en bureaux au 2e trimestre 2020 soit moitié moins qu’au 1er trimestre.

Si quelques opérations d’envergure ont été menées dans l’est parisien (cession à Unofi du nouveau siège de BlaBlaCar près de Bastille), la très grande majorité concerne les secteurs tertiaires les plus établis de l’ouest de la capitale. Cette polarisation du marché au profit du core s’observe aussi en périphérie, à l’exemple de l’acquisition par BNP Paribas Reim du nouveau siège du Conseil régional d’Ile-de-France à Saint-Ouen (« Influence 2.0 »), même si de grandes VEFA en blanc ont également été finalisées (« Joya » à Fontenay-sous-Bois).

« Les risques de propagation du virus, l’essor du télétravail et le choc économique attendu soulèvent à juste titre des interrogations sur la capacité de résistance des actifs tertiaires. Le manque de visibilité actuel, qui explique la défiance des investisseurs et la plus grande attention portée à la qualité des locataires et des emplacements, ne remet pas pour autant en cause l’avenir des bureaux.

Les transactions les plus récentes et les dossiers en cours indiquent bien au contraire que ces derniers, quand ils disposent de bons fondamentaux, demeurent l’actif phare du marché immobilier français » explique Matthieu Garreaud.

Comme pour les bureaux, les volumes investis en immobilier industriel ont nettement diminué au 2e trimestre après un début d’année record. Sur l’ensemble du 1er semestre 2020 la dynamique est néanmoins positive (+ 21 % sur un an). Elle devrait le rester dans les prochains mois compte-tenu de l’appétit important des investisseurs pour la logistique, un segment de marché qui est sorti renforcé du confinement et bénéficiera notamment de la nette accélération des ventes du e-commerce.

Commerces : hausse en trompe l’oeil

Contrastant avec le recul des bureaux, les commerces affichent un très bon résultat avec deux milliards d’euros investis au 1er semestre 2020 soit une hausse de 35 % par rapport à la même période en 2019.

« Une telle performance n’avait plus été enregistrée, sur un 1er semestre, depuis 2014, année record pour le marché de l’investissement en commerces ; performance qu’il convient toutefois de relativiser puisqu’elle tient essentiellement à la cession par URW des parts d’un portefeuille de cinq centres commerciaux pour plus d’un milliard d’euros » indique Antoine Grignon. Si cette opération exceptionnelle a été menée à son terme malgré le confinement, la crise sanitaire n’en a pas moins exacerbé la prudence des investisseurs en raison des difficultés d’un nombre croissant d’enseignes et du flou entourant l’évolution des valeurs locatives et des valeurs de murs de commerces. Les actifs réputés les plus sûrs ne sont pas épargnés. Les rues commerçantes n’ont ainsi rassemblé que 22 % des volumes investis en commerces depuis le début de 2020 contre 37 % au 1er semestre 2019. « Alors qu’ils avaient nettement gonflé les volumes investis en commerces ces deux dernières années, les axes prime parisiens ont perdu leur suprématie même s’ils reviendront au premier plan avec le retour des touristes étrangers.

Pour l’heure, alors que certains s’interrogent sur l’avenir du commerce physique dans un monde post-Covid laissant plus de place au digital, d’autres formats, comme la proximité et l’alimentaire, aiguisent l’appétit des investisseurs » explique Antoine Grignon. Cet engouement a récemment été illustré par l’achat par AEW de quatre magasins Monoprix, portant à 2,2 milliards d’euros les montants investis dans les murs de cette enseigne depuis 2015 ! Les prochains mois devraient voir d’autres cessions de portefeuilles d’enseignes sous forme d’opérations de sale & leaseback. Celles-ci permettent en effet aux enseignes de regarnir leur trésorerie et d’investir dans l’adaptation de leur modèle aux nouvelles attentes des consommateurs. En parallèle, elles satisfont la demande d’investisseurs à la recherche d’actifs sécurisés par des baux longs, particulièrement appréciés en ces temps incertains.